Salut a tous.
Je vous ai fait attendre, mais ca va valoir le coup, promis !
Voici donc le récit de la visite d’Angkor que j’ai effectuée pendant 3 jours avec Eric et Lydie. Certains vous diront que pour se taper 3 journées entières, il faut vraiment aimer les vieilles pierres mais je peux vous dire qu’étant donné la taille du site et la diversité de conservation des temples, ce serait gâcher que de faire moins.
Nous sommes donc partis de l’hôtel un matin, avec vélo et bagages. Car j’ai convaincu mes petits suisses de camper sur le site (ou du moins d’essayer, en fonction de se qu’on trouve). Il faut dire qu’Eric et Lydie on déjà eu une expérience plutôt négative avec les gardiens. Je fais un peu de forcing pour les convaincre qu’une tente plantée devant un temple, ca ferait pas mal dans l’album souvenir. Il n’en faut pas plus pour pousser la sage Lydie dans un hooliganisme soft. On verra le résultat plus tard.
En attendant, nous commençons l’exploration des temples d’Angkor, armés d’un bouquin expliquant l’histoire et l’intérêt de ces ruines et surtout, de notre patience face au tourisme de masse et a ses dommage collatéraux : la mendicité infantile et le décuplement des tarifs.
Commençons par les temples. Nous visiterons une douzaines de sites en trois jours. La plupart sont de vrais complexes avec plusieurs temples, 3 ou 4 enceintes, des esplanades, entrées, vestibules etc. Certains sont très aboutis (comme Angkor Vat) et surtout reconstruis pierres par pierres par les archéologues. D’autres sont par contre encore dans l’état ou on les a trouvés, et c’est encore le plus impressionnant. Déjà parce qu’ils contiennent bien moins de touristes, ce qui permet de déambuler librement et calmement, et donc d’apprécier la sérénité des lieux. Mais surtout parce qu’ils constituent un mélange de trois ingrédients principaux : l’aspect brut et monumental des grandes constructions en pierre ; la finesse des gravures sur les frontons et bas-reliefs ; et enfin le festin que la jungle fait de ces futilités humaines. Les photos seront suffisamment évocatrice je l’espère, car il est dur d’expliquer a quel point ces ruines appellent a la contemplation. Imaginez le Louvre sans portes ni vitres, livrés aux éléments et colonisé par plantes, arbres, insectes, oiseaux et autres habitants de la forêt, le tout dans un Paris qui aurait disparus. Ces temples d’Angkor ont jadis constitués ce qui se faisait de plus beau, de plus grand, de plus cher, de plus raffiné et de plus sacré dans toute cette partie du monde. Et ils n’entaient pas entourés de forets mais de villes, villages et champs. De ces quelques 700 000 habitants, il ne reste aujourd’hui de que ces pierres et les bassins d’irrigation. A chaque tour, chaque fronton sculpté, c’est la grandeur et la persévérance de l’homme qui sont magnifiées. A chaque arbre gigantesque délogeant les pierres de la seule force de ces racines, ce sont ses caractères éphémère et même futile, qui sont rappelés.
Entre les temples « à plat », ceux en forme de pyramide, les bassins, portes, ponts et murs d’enceintes, le site offre une grande diversité de monuments à explorer. Grace a notre petit guide papier, nous en apprenons un peu plus sur les fonctions plus ou moins supposées de chacun, sur la vie de ces habitants, sur leurs religions (et le passage conflictuelle du brahmanisme au bouddhisme). Bien sûr, l’essentiel reste a jamais perdu car les archives de ces dynasties, si elles ont un jour existé, ont été depuis perdues par le temps ou le feu. L’une des principales sources des historiens est d’ailleurs constituée par les mémoires d’un ambassadeur chinois passé par la au 13e siècle. Que penser d’un empire qui ne laisse derrière lui que des pierres ?
Le celebre Bayon et ses figures bienveillantes et enigmatiques
A des années lumières de ces réflexions, et pourtant a l’entrée de chaque temple qui les a vu naitre, se joue le drame du tourisme de masse. Des femmes et surtout des nuées d’enfants vous harcèlent pour que vous leur achetiez quelque-chose. La marchande qui veut vous vendre une boisson fraiche 4 fois le prix, mais qui, voyant que vous connaissez le tarif, vous cède finalement la bouteille d’eau a un prix (presque) correct, on commence à être habitué. Par contre, la mendicité déguisée des enfants qui demande de l’argent contre la moindre babiole en plastique, c’est relativement nouveau pour nous 3. Mais le plus dur à supporter, ce sont les touristes qui, pensant faire acte de générosité, distribuent les dollars par pitié, pour se donner bonne conscience, ou encore parce que ca fait partie des vacances. Dans 10 ans, quand cette petite fille de 5 ans sera trop grande pour émouvoir correctement les masses, elle aura manqué l’essentielle de sa scolarité. Elle aura appris des techniques de vente dignes de meilleurs commerciaux et a compter jusqu'à 10 en français, anglais, espagnole, italien, allemand, japonais, russe, chinois et thaï. Elle aura surtout appris que le touriste (pas uniquement occidental) est aussi malléable et productif que du bétail, pour peu que l’on sache y faire, car il n’a aucune conscience de la valeur des choses. Et que pensera-t-elle de son père en voyant qu’elle rapporte en une journée ce que lui met une semaine a gagner avec son travail ?
Avec nos allures de cyclistes poussiéreux, nous n’avons que peu subi le chantage affectif de ces enfants, mais voir le processus a l’œuvre a déjà été bien assez éprouvant et a alimenter pas mal de discussion sur ce qu’on pouvait faire ou ne pas faire pour modifier les choses. Vous pouvez avoir le sentiment d’Eric et Lydie en lisant leur propre récit, sur cette page.
Apres le pire, le meilleur !
J’avais vendu à mes amis un bivouac avec vue sur une ruine. Le soir venu, je suis donc parti explorer un petit sentier, au nord-est d’Angkor Thom, pour tomber sur des petits coins tres tranquilles, parmi un groupe de ruines peu ou pas visitées. Ca nous a donc fait une première nuit assez sympa, avec le sentiment d’être des privilégiés, seuls devant cette petite pyramide alors que la foule avait regagné la ville.
Le second soir, on s’est enfoncé un peu plus dans la jungle pour finalement arriver devant l’une des entrées non-utilisées d’un grand temple, le long de sa 4e enceinte (donc encore assez loin du temple). Le coin est mieux que rêvé. Trois grandes entrées percent le mur d’enceinte, orné un peu plus loin d’une grande sculpture (de Garuda, l’homme -vautour). Un bassin (d’anciennes douves ?) de chaque coté. Pour profiter un peu plus de l’endroit, je propose un feu. Lydie en profite pour proposer d’y cuire du pain. Et c’est partie pour une soirée qui sera à coup sur dans le top 5 du voyage.
Photo prise par le sieur Sivignon
Le troisième jour, les 64 km de vélo (notamment pour aller jusqu’au temple de Bateay Srei, situé plus au nord) nous épuisent. Une question se pose : partir vers l’est, refaire une nuit de camping magique ou aller se coucher bien gentiment dans un hôtel a Siem Reap, pour récupèrer une journée avant de reprendre la route ? Galvanisés par l’expérience des 2 autres nuits, on retente le coup mais finalement la nuit tombe avant qu’on ait trouvé un endroit correct. On finit par camper dans un champ, sans aucune trace de temple à l’horizon. Raté donc. Mais cette solution aura tout de même eu 2 avantages. Premièrement économiser une nuit d’hôtel, puisque nous irons bien a Siem Reap des le lendemain matin. Deuxièmement, achever de pervertir mes honnêtes amis en leur apprenant un jeu au petit déjeuner. Nom des travaux pratiques : « donner un faux nom aux policiers, c’est rigolo ». En effet, nous étions tranquillement en train de déguster nos tartines, les tentes déjà repliées, que deux policiers sont venus nous tendre un carnet en nous demandant un autographe. Apres 2 nuits à camper dans le flou juridique, ce serait la nuit en plein champs qui poserait problème ? Nous essayons de parlementer et de savoir ce qui nous vaut tant d’attention mais les policiers, en plus d’être extrêmement gentils, et presque gênés de nous déranger, ne parlent que 3 mots d’anglais : « name », « age » et « nationality ». Pas de passeport, pas de ticket (le pass 3 jours pour les temples, qui s’est terminé la veille a minuit), juste ces 3 informations. Pour régler tout cela sans froisser personne, et surtout pas notre dégout de l’abus de pouvoir, nous lui donnons des faux noms. Ils repartent tout sourire et … nous aussi ! La palme de l’originalité revient à Mlle J. Dubulle. Quant a Eric, il a encore des progrès à faire : il à donner sans s’en rendre compte le nom de quelqu’un qu’il connait… (tiens, maintenant tous tes amis vont se demander si tu n’as pas donné leur nom ! Ha !).
Bon revenons aux choses sérieuses. Car ce qui nous attend, c’est du sérieux !
Apres avoir regarni les sacoches de nourriture, nous repartons vers un autre temple, a l’extérieur de la zone d’Angkor : Beng Mealea. On décide d’y aller par les petites routes, qui se révèlent être des pistes plus ou moins sableuses. C’est galère, mais on plonge du même coup dans un Cambodge rural bien typique. Les enfants nous font la fête. Finalement, après un petit détour par une piste de terre nettement plus roulante, nous nous arrêtons à quelques kilomètres du temple.
Une vidéo de la route : ICI.
Le lendemain, la matinée est consacrée à Beng Mealea. Un mélange étonnant de ruines et de bâtiments encore debout. Un guide un peu farfelu et qui s’est imposé a moi m’entraine finalement sur les toits et dans des endroits que je n’aurais pas osé escalader moi-même. Ca me permet de prendre conscience du plan d’ensemble du temple. Une digue de 3km menaient a son entrée principale. Chaque enceinte, couloirs et bâtiments étaient entourés d’eau. L’endroit devait vraiment être particulier.
Apres le repas, nous commençons à rouler sur la route 66. Le bitume s’est bien sûr arrêter au temple, mais la latérite est roulante. Elle cède la place à un sentier ramifié et plus ou moins ensablé, dont les bras font quelques détours dans les champs avant de rejoindre le courant principal. Mes 2 cartes indiquent la route 66 comme sentier carrossable, donc on persévère, poussant parfois le vélo sur quelques dizaine de mètre avant de pouvoir remonter dessus. On s’engouffre ainsi lentement dans une forêt plus ou moins défrichée, en croisant de très rares scooters et d’aussi rares contrebandiers de bois précieux. Le problème, c’est qu’on n’avance pas vite, et que la succession habituelle de maison a laissé place sans que l’on s’en rende vraiment compte à un quasi désert humain. A part quelques oiseaux, la faune est également peu visible. Tout juste ai-je la « joie » de voir un serpent vert, long et fin se faufiler entre mes roues et mes pieds (je marchais) pour traverser le chemin sans me prêter la moindre attention.
Les heures tournent et, comme il arrive régulièrement dans ce cas la, la nuit finit par tomber. La lumière en moins, il devient plus difficile de choisir entre pédaler ou pousser. Nous optons donc pour la poussée, moins risquée. Sauf moi, qui fini par pédaler à nouveau car pousser un vélo coucher, c’est bien moins pratique. On voudrait bien s’arrêter, mais nous n’avons pas d’eau. Habitués à avoir plutôt trop de villages que pas assez ces dernières semaines, nous nous sommes fait avoir comme des bleus et n’avons pas fait le plein d’eau lorsque c’était encore possible. Et il y a également le problème des mines. Se poser en pleine foret sans une maison ou un champ qui vienne confirmer que le sol est (à peu près) sur, c’est courir un risque un peu stupide.
Quand vous pousser votre vélo dans le noir, sur un sentier sableux au milieu d’une forêt remplie de mines et que vous manquez d’eau, ben…, il n’y a pas grand-chose d’autre à faire que pousser. On ne se parle plus. On ne regarde que devant soit et on espère que le prochain puits est proche. A un moment, Eric s’exclame : « Tiens, le temple ». C’est vrai qu’on visait un temple sur cette route à l’ origine. Selon le Lonely Planet, « a calmer way to experience the grandeur of Angkorian temples. » Tu m’étonnes !
Un vague coup d’œil et nous poursuivons. La carte indique un village peu après. D’ailleurs, le boum-boum d’une sono annonce, pour une fois, une bonne nouvelle. Encore un moment à marcher dans les bruits de la nuit et nous arrivons enfin à une maison (si tant est que le terme s’applique à un bâtiment sans mur). Deux ou trois hommes se lèvent de leurs hamacs, nous offrent de l’eau douteuse mais semble-t-il bouillie. 50 cl dans le gosier d’abord, les questions ensuite ! Je demande une pompe ou un puits, on m’envoie derrière la maison ou s’étend… un immense lac. Le village est encore à 2km, et on nous propose de dormir la. Heureusement qu’Eric et Lydie acceptent sans hésiter car dans mon obsession de trouver de l’eau claire, je crois que j’aurai continué…
Nous cuisinons sous le regard curieux de nos hôtes, puis nous lavons et nous couchons. Buvant de l’eau du lac bouillie (plus pastilles de chlore en ce qui me concerne). Plus riche en oligo-éléments, ya pas !
Le petit dej.
Le lendemain, nous sommes levés avec le soleil, pour découvrir que nos nouveaux amis sont en fait des démineurs. Apres nous avoir invité à partager leur petit-déjeuner, ils partiront au boulot sans trainer. Pour moi, c’est atelier mécanique, le vélo ayant un peu souffert avec tous ces cahots. On repart finalement mais après 2km, on se retrouve dans du sable, sans beaucoup d’eau (on a déjà vidé leur bidon d’eau bouillie). De plus, les cartes indique 30km jusqu'à la civilisation (un village et une route bitumée), alors que ce matin, on nous a indiqué 60km… Le bon sens de Lydie nous arrête, Eric et moi, alors que nous nous apprêtions à nous (re)lancer dans l’aventure. Même si ca veut dire faire un détour, il faut aller au village faire des provisions d’eau. Heureusement, car au village, en plus de trouver de l’eau claire, des bouteilles, et a manger, on peut recouper les informations contradictoires de 3 ou 4 quidams pour se lancer sur une piste différente, moins longue et probablement meilleure. Je réussis quand même à perdre mes deux compères en prenant une bifurcation. Je finis par les rattraper, alors que, comprenant que je n’étais plus devant, ils avaient rebroussé chemin. Jouant la sécurité cette fois, on se pose avant la nuit, après 25km de piste, près d’un village, a l’emplacement de deux petites cabanes abandonnées.
Le lendemain, il nous reste 10km à faire et nous arrivons au bout de cette route 66, qui ne mérite décidément ni le nom de route, ni même un numéro !
L’équipe de vainqueurs
Cette route 66 restera un grand moment. Je vous invite à lire la version écrite par Lydie, sur leur BLOG. Cette dernière a la gentillesse d’écrire : “comme le disait Rémy, on est tous restés très calmes même dans les pires moments”. La vérité, c’est qu’elle et surtout Eric, qui est pourtant un animal a sang chaud, m’ont épaté par leur calme alors que je bouillais intérieurement, mon cerveau tournant a plein régime pour dresser la liste de toutes les personnes sur qui je pouvais rejeter la faute (ou au moins, avec qui je pouvais la partager). J’ai maudit pendant les derniers kilomètres les concepteurs de mes deux cartes, le LP qui conseille cette route aux motards comme étant « rought and romantic » (sic !) et surtout tous les gens a qui nous avons demandé notre route et qui auraient simplement pu nous faire le signe de boire, ou prendre une poignée de sable, ce qui aurait suffit a nous faire comprendre dans quoi on s’engageait. Enfin. Au bout du compte, on ne peut que s’en vouloir à soi-même et c’est bien mieux comme ca. Mais sur le moment ca aide de chercher des coupables. :-)
Nous retrouvons donc a partir de la une route, même si je ne rajouterai pas « avec plaisir » car cette dernière est en travaux donc dangereuse, peu roulante et poussiéreuse. Ce soir-la, il y des crêpes en dessert. Bon, la farine, c’est de la farine de riz, et le lait, du lait concentré. Et bien détrompez-vous, c’est délicieux !
Deux jours de routes et un dernier petit ensemble de temple après, nous arrivons a Kompong Cham, sur les bords du Mékong. On traine une journée (un vrai dimanche), le temps de profiter de l’accueil sympa d’un jeune couple de français ayant ouvert leur guest house il y a peu et de l’ambiance ensommeillée de cette ville de province. Puis il est temps de repartir. Enfin, pour moi, car Eric et Lydie ont encore le temps de buller tandis qu’il me reste 4 jours de visa pour remonter le fleuve jusqu'à la frontière lao, a 320km de la.
Le premier jour, je change d’itinéraire et atteints mon nouveau record : 143 km, pour rallier Kratie. Le lendemain, les jambes sont un peu faibles, forcement. 87km seulement. Puis 60 la matinée suivante, jusqu'à Stung Trung et enfin 62 pour atteindre tranquillement la frontière a midi. Le visa lao se fait sur place pour 30 dollars dans une bicoque en bois, en attendant que les beaux bâtiments qui sortent de terre soient opérationnels.
Je suis au Laos !
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Voila pour cette fois.
Comme d’habitude, merci pour tous vos mails et commentaires. Ils me font du bien.
Vous pouvez aller voir la galerie de photo du Cambodge, que j’ai essayé d’approvisionner plus que d’habitude. Et si vous en voulez encore (et de meilleure qualité) allez voir celles d’Eric sur www.untourenvelo.ch
La motivation des premiers mois ayant du mal à revenir, la suite du voyage va sans doute changer, mais je ne sais pas encore en quoi ou dans quelles proportions. A voir selon l'evolution dans les jours à venir.
A bientôt !