Mercredi 5 mai 2010 – J9
Encore un réveil où le thermomètre indique 9°C dans la chambre de la tente… J’ai assez chaud pour dormir mais sans plus. Je prends mon temps pour décoller. Notamment à la charcuterie, où 2 petits vieux du coin mettent pas mal d’animation en parlant notamment des « cornichons » du village d’à côté (comprendre « les habitants ») et bien sûr en parlant du voyage. Je me résigne à avancer moins car je suis face au vent, toujours fort et de face. La piste se transforme en un terrain miné de nids de poule (géantes, les poules) et je m’éclate avec une conduite VTT très stimulante. Bien sûr, j’avance moins vite, mais au moins je m’amuse.
Sinon, aujourd’hui j’ai 26 ans. Merci pour les textos que j’ai pus recevoir. C’est un anniversaire calme, propice à la réflexion. Il marque le départ d’une façon nouvelle.
Kilomètres du jour = 40
Temps roulé = 3h26
Vitesse moyenne = 11.71
Jeudi 6 mai 2010 – J10
Ce matin j’ai envie de rouler ! Je continue jusqu’à Orléans et flâne dans la ville en la découvrant un peu mieux que lors de mon bref passage pour une enquête il y a 2 mois. C’est une ville agréable.
Normalement je suis sensé repartir rive nord, mais la Loire amorce enfin son virage au sud et pour me protéger un peu plus du vent furieux, je décide de prendre rive sud, hors du parcours. Ce choix s’avère payant : le vent est moins fort que les jours précédents, et parfois même dans mon dos (si, si, ça existe !). Je navigue avec une petite carte de l’Office du Tourisme puis sans, une fois celle-ci dépassée. Je sais que la Loire est sur ma gauche et descend plus ou moins direction sud-est. J’ai ma boussole et file tantôt au sud, tantôt à l’est sans ne plus savoir où je suis. Chaque nouveau village croisé est une découverte. La navigation à l’aveugle est grisante.
Mais quitter la Loire a un prix : il est plus dur de trouver un endroit où planter la tente. La terre est précieuse à la campagne. Les marges, les espaces non mis en valeur y sont plus rares que sur les bords de Loire. Champs ou pâturages sont clôturés et suivent scrupuleusement le dessin de la route. Maisons, fermes… où que ce soit, je suis chez quelqu’un. Je continue donc en cherchant un petit coin pouvant m’accueillir et fini par viser la Loire, où je suis sûr de trouver. C’est ce qui se passe et un grand terrain non grillagé m’offre un abri honnête pour la nuit. Les propriétaires sont sans doute les même que ceux de la maison au fond du terrain, mais je mise sur ma discrétion et/ou sur leur hospitalité (j’apprendrai le lendemain que c’est une maison secondaire, vide en cette saison). Le terrain est d’une grande richesse à en voir le nombre d’insectes qui prennent d’assaut ma tente. Le temps d’écrire ces quelques lignes sur mon carnet de bord, une minuscule araignée a même entreprit les fondations d’une toile entre mon épaule et la cloison de ma tente…
Il est 20H. Je suis lavé, la tente est montée, le journal de bord est à jour. Ma récompense est la première cigarette de la journée. Puis manger et dodo. Je suis content de voir que je peux avaler 90 bornes sans problème.
Kilomètres du jour = 90
Temps roulé = 6h17
Vitesse moyenne = 14.38
Vendredi 7 mai 2010 – J 11
Je plie la tente quand un promeneur vient vers moi. C’est le voisin. Nous discutons un bon moment de la Loire, du voyage.
Les routes/pistes se suivent et ne se ressemblent pas. La qualité des différents revêtements conditionne directement mon allure. Un chemin de la « Loire à vélo » est barré pour cause de travaux. Je m’aventure donc dans un petit chemin qui se transforme en une piste VTT, qui se termine elle-même en un sentier de randonnée plus que sauvage, à la limite de la piste de sanglier ! Je pousse mon vélo plus d’une fois dans le sable ou pour passer des arbres sans doute arrachés par la tempête Xynthia. Je suis parfois directement en surplomb de la Loire. C’est vraiment une forêt inextricable mais je suis têtu et je suis aller trop loin pour faire demi-tour maintenant (ce qui, étant donné la largeur de la piste, serait déjà un problème en soi !). Et puis ça doit bien mener quelque part ! Le tout, c’est de continué. Je sors enfin de l’autre côté après une demi-heure de lutte. J’ai perdu quelque part ma boîte à savon qui était négligemment accrochée à mon bagage (en prévision d’une lessive que je ne ferai finalement pas aujourd’hui, par manque de soleil…). Tant pis, je n’y retournerai pas pour ça…
Un vrai chemin de baroudeur !
Coup de démotivation au milieu de l’aprèm, en raison notamment de pistes qui n’avancent pas et d’une mauvaise orientation qui me faire me retrouver dans la mauvaise direction (je n’ai toujours pas compris comment aujourd’hui !). Je peste contre les voitures qui me doublent trop près et/ou trop vite sur les départementales. Mais comme tout, ça passe et je quitte ma mauvaise humeur en quittant le Loiret. Je me décharge sur lui de mes fautes et de mes frustrations, tel le citoyen de la Grèce antique sur le bouc chassé de la cité. Le Loiret en prendra pour son grade, donc. Et pas uniquement pour ce qu’il mérite, il faut être honnête…
Je suis posé non loin d’une centrale nucléaire. La troisième sur les bords de Loire depuis l’estuaire. Je viens de voir un faisan. C’est énorme ! Ca crie comme un cochon et ça s’enfuit en courant au ras du sol sur des pattes trop petites pour lui. C’est aussi ridicule que c’est beau ! Ha, tiens, voilà les gendarmes maintenant !
Contrôle d’identité car on est près de la centrale. Je me disais aussi que la sécurité n’avait pas l’air draconienne étant donné que le circuit « Loire à vélo » passe quasiment sur le parking de la centrale ! On discute du voyage. Bien sûr ils tiquent sur le côté dangereux, et sur le fait d’être seul, toujours du point de vue de la sécurité. Chacun voit dans mon projet ses propres envies mais surtout ses propres peurs. Donc je ne m’étonne pas de cette réaction de la part de gens pour qui la sécurité et « l’ordre publique » sont le quotidien.
Je les verrai plusieurs fois encore, ce soir et demain matin. Bivouac avec ronde de gendarme : ce soir en tous cas, je ne craints rien !
EDF, mon amour !
Kilomètres du jour = 60
Temps roulé = 4h17
Vitesse moyenne = 13.94
Samedi 8 mai 2010 – J12
Je m’improvise un petit atelier de mécanique avant de repartir. Réglage du dérailleur avant et des freins. Resserrage des vis. A chaque jour qui passe, les réglages s’affinent. Sur le vélo mais aussi dans l’organisation des sacoches ou du couchage. Je prends mes marques petit à petit, c’est très agréable.
Je fais des courses pour 2 jours, en prévision du dimanche (ça aussi c’est un réflexe à prendre quand on fait des courses tous les jours). Je passe à La Charité/Loire. Magnifique petit village médiéval rempli de libraires et de bouquinistes. Un petit paradis où j’aurais bien pu m’attarder. Mais j’ai déjà dans mes bagages 6 livres au lieu des 2 prévus donc pas de tentation…
C’est la fin de la « Loire à vélo » aménagée. La suite est en travaux. Le sigle « Eurovélo N°6 » commence à apparaître à côté de la « Loire à vélo » sur les pancarte… J’avance !
Je monte la tente sous la pluie. Puis me lave en maillot de bain, sous la pluie au milieu d’une friche perdue. Comique mais rafraîchissant !
En arrivant j’ai surpris un renard qui a bondi dans un fourré sans attendre.
Kilomètres du jour = 61
Temps roulé = 4h11
Vitesse moyenne = 14.63
Dimanche 9 mai 2010 – J13
Dimanche ! Jour sans camion. Je quitte donc les pistes avec plaisir : à moi l’asphalte ! (Oui, les rêves de nature préservée du bétonnage ne résistent pas longtemps face à un revêtement bien roulant qui fait une belle différence dans les jambes lorsqu’on fait du vélo).
Je roule, sous la pluie tout l’après-midi. Déplier une tente encore mouillée sur un terrain détrempé, sous la pluie, et y mettre des bagages bien humides n’est pas une mince affaire. Je passe la soirée à organiser puis sécher quelques coins de mon habitacle. Je tente le coup de la bougie, lu sur un forum pendant ma préparation : une bougie rajoute quelques degrés à l’intérieur de la tente et accélère le séchage. Mais bien sûr, il ne faut pas mettre le feu, donc mouvements brusques interdits. L’éponge de vaisselle et le torchon/essui-mains multifonction y passent aussi. Pas marrante la pluie…
Kilomètres du jour = 72
Temps roulé = 4h42
Vitesse moyenne = 15.31
Lundi 10 mai 2010 - J14
Il n’a pas plu de la nuit, et le ciel remet ça 5 minutes avant que je plie la tente. Les affaires n’ont évidemment pas séchées pendant la nuit froide et humide.
Je pars finalement, il faut que je fasse de la route si je veux arrivé demain soir chez Florian, un ami nantais expatrié à Tournus, dans la Saône-et-Loire. Et vu la météo, je n’ai pas de raison de traîner en route.
Je rencontre 2 voyageurs au long cours, les premiers du voyage ! Charlie et Nelly, lui britannique, elle, allemande, viennent d’Australie. Charlie me montre son compteur : 21 000 km. On commence en français, mais très vite on se met à parler matos et vélo en anglais. Il vient de faire 18 000 Km avec les mêmes pneus que ceux que j’ai choisis, ça me rassure ! Mon niveau d’expression et de compréhension en anglais est aussi assez rassurant. Ca viendra vite quand je parlerai plus souvent.
Les gros nuages laissent finalement la place sans prévenir à un soleil éclatant et un ciel d’un bleu pur. Je m’arrête pour faire sécher toutes mes affaires, tente y compris. Le soir venu, je ne le regretterai pas !
Je fais le plein d’eau alors que j’ai l’intension de rouler encore longtemps mais entre le poids supplémentaire à traîner et ne plus avoir à chercher d’eau plus tard, je choisis la tranquillité d’esprit. Vers 18h, après pas mal de côtes, je commence à chercher un coin pour la nuit, mais c’est à croire qu’il n’y en a que pour les vaches dans ce pays !? Même pas un carré d’herbe plat pour un voyageur… Je finis par redescendre vers un petite ville au bord de l’Arnoux et me planque dernière une salle des fêtes, en plein territoire communale (terrain de basket, parc etc.). Il est 20h. Juste le temps de planter la tente, de me laver, me changer, manger et faire la vaisselle. Une clope et au dodo !
Kilomètres du jour = 70
Temps roulé = 4h38
Vitesse moyenne = 15.11
Mardi 11 mai 2010 – J15
Réveillé par la pluie, à nouveau… Je pars sans demander mon reste et roule 30 Km dès le matin. A 13h, il me reste 60 Km jusqu’à Tournus. Le ciel est couvert et il pleut par intermitance une bonne partie de la journée. Quelques éclaircies en fin d’aprèm. Je prends mes pauses en fonction du ciel. C’est-à-dire que je joue à cache-cache avec les orages qui passent à côté de moi, me rattrapent, ou se laissent rattraper selon les heures.
Depuis hier, j’ai quitter la Loire, et je sens bien la différence : le terrain est plus vallonné et les côtes se succèdent plus ou moins rapidement. Aujourd’hui ça monte dur. Mais il y a aussi de belles descentes. Dont une qui m’offre l’occasion de me tester à grande vitesse. Deux minutes à naviguer entre 45 et 60 Km/h dans des lacets. Le vélo réagit bien et je peux me pencher sans craindre de déraper (jusqu’à un certain point, hein…). Mon centre de gravité est très bas et je n’ai plus besoin de tourner le guidon quand je vais très vite : je penche d’abord mon corps, puis mon genou intérieur, mon coude et même ma tête, et ça se passe très bien, même à 50km/h. Record de la descente : 59.86 Km/h ! Par contre, la vitesse a eu la peau d’un élément de ma dynamo que j’avais recollé il y a quelques mois en pensant vainement que ça pourrait tenir…
J’arrive à Tournus vers 18h. Crevé mais content de ma performance. 94 Km tout de même ! J’ai regardé le dénivelé de mon parcours de ces 2 derniers jours sur Internet : 1500 m de positif, et autant de négatif. C’est sans doute loin de ce que je serai amené à faire, mais je trouve ça quand même pas mal…
Abscisse : 170 km. Ordonnée : je sais plus trop, mais le total faisait 1500m !
Kilomètres du jour = 94
Temps roulé = 6h17
Vitesse moyenne = 14.95
Voilà, presque 1000 Km depuis le Croisic. Plus que 41 fois ça, et je suis de retour ! .
Et depuis ? Ben, c’est un peu les vacances. Quatre jours de week-end avec Florian et Louis dans une belle région de France (que l’on a visité, si, si). Je repars lundi ou mardi. En fonction de la météo et de ce qu’il me reste à faire comme réparations et entretien. Mon linge est lavé, ma chaîne est nettoyée et huilée… On verra, je ne suis pas pressé. ;)