La traversée de la frontière s'est faite sans problème, Il paraît que dans l'autre sens, les autorités chinoises jettent a la poubelle tous les livres. Espérons que ce n'est pas le cas au poste frontière de Mengla (Laos) car sinon ils vont devoir mobiliser les tanks avant de réussir a me séparer de mes précieux livres !
Mais ce coup-la, tout se passe bien. Une militaire vietnamienne garde même mon vélo pendant que je fait tamponner mon passeport. Une fois de l'autre coté, je retire quelques millions de dongs vietnamiens, trouve une petite guest house sympathique et me jette a corps perdu dans les rayons d'un supermarché en pensant retrouver des produits connus. La pèche est bonne : thon (abordable), chocolat, confiture, petits beurres et même galettes bretonnes (les biscuits, pas les galette de sarrasin, faut pas rêver quand même !). Par contre, pas de bananes, après les milliers de bananiers croises sur ma route. Il est d'ailleurs rare de voir les locaux manger des bananes, ce qui me fait penser que la production est essentiellement destinée a l'exportation. Quand une marchande voit passer un étranger devant son stand, elle lui montre d'ailleurs invariablement ses bananes.
Après un peu de couture et de lessive, je reprends la route... humide d'une pluie matinale. Mon linge est trempé et il va falloir rivaliser d'ingéniosité pour le faire sécher dans les jours a venir. La meilleure technique sera de le porter sur moi en roulant, voire de le mettre dans le duvet la nuit. Enfin, j'arriverai quand même avec du linge mouillé a Hanoï... Le temps est en effet toujours couvert et humide. La route est heureusement bitumée mais a la fin du premier jour, je veux bifurquer vers les montagnes, comme je vous l'avais annoncé, mais l'asphalte laisse immédiatement la place a une couche de boue rouge plus ou moins épaisse selon les endroits. Je fais 5 km et renonce, le vélo accumulant de gros blocs de boue au niveau des freins.
Je découvre durant les deux premiers jours des vietnamiens qui me font amèrement regretter les chinois et leurs célèbre « retenue ». Je reçois 100 ou 200 « hello » par jour. Des salutations qui ont plus a voir avec la démarche rituelle qu'avec la tentative de communication, puisque je suis en train de rouler, en pleine circulation, et que j'ai parfois dépassé celui qui me « salue » depuis 30m ou plus quand j'entends que l'on s'adresse a moi. Certains n'hésitent pas a me crier leur « hello » alors qu'un car ou un camion roule entre nous... Les enfants, s'ils sont les plus excusables, sont aussi les plus acharnés a ce petit jeu et ne s'arrêtent que lorsque vous leur avez fait un signe. 3 fois dans la même journée, des garnements ont poussé ou même tiré le vélo pendant que je montais une pente. Les adultes ne sont pas en reste avec au moins 4 ou 5 hommes qui essayent d'enfourcher le vélo sans même me demander la permission ou en ne faisant aucun cas de mon refus (désormais systématique, et pour cause !). J'en suis venu a coucher le vélo part terre lorsque je m'arrête dans un restau, car sinon le village entier essaiera de passer dessus, avec casse de la béquille a la clef... Enfin tout ca pour dire que si les vietnamiens m'apparaissent souriants, accueillants, serviables et sympathiques, certains sont aussi sans gêne et intrusifs que des azéris (et si vous avez suivi ce blog depuis le début, vous savez le peu de cas que je fais de ces derniers...). Ajoutez a cela la pire configuration spatiale pour un voyageur a vélo : une longue route traversant villes et villages sur des centaines de km avec des bâtiments de chaque coté tous les 100m maximum (baptisé « syndrome roumain » selon ma propre terminologie). Difficile de s'arrêter au bord de la route sans voir quelqu'un débarquer... Bref, le Vietnam, ca démarre mal ! Après 2 jours comme ca, je me mets en mode routier, avec musique dans les oreilles et en ne répondant plus aux « hello » compulsifs que lorsque je peux voir les gens dans les yeux.
J'avale donc 366 km en 4 jours pour arriver a Hanoï. Je campe les 3 nuits, chaque fois dans une ambiance différente. La première, je reçois la visite sympathique mais envahissante de tout le voisinage et, a la nuit tombée, je finis par fermer la porte au nez des gens qui resteraient bien a regarder ce que je fais jusqu'au petit matin ! La seconde, je trouve par miracle un coin tranquille, dans une rizière a sec en contre bas de la route et ne suis dérangé que par une paire de buffles passant par la. La troisième, je sors in extremis d'une ville de 20 km de long et finis sous le stand d'un vendeur de thé absent, entre le fleuve et un échangeur routier, sans oublier la voie ferrée. Comme vous vous en doutez, la nuit sera plutôt bruyante... Je me lève tôt, juste a temps pour céder sa place au propriétaire des lieux qui s'installe rapidement avant l'arrivée du premier car de la journée.
En démarrant avant même 8h du matin, je finis la route qu'il me reste sans trop de problème et trouve l'auberge assez tôt. Non sans avoir tourné un peu car je n'ai qu'une carte de l'extrême centre... La circulation chaotique est plus dangereuse qu'en Chine mais on s'habitue vite et une fois qu'on s'est jeté dans le flot, le plus dur est surtout de se retenir d'incendier le type qui grille la priorité et les feux rouges devant vous (et une cinquantaine d'autres cyclos). Ici, c'est normal.
J'ai le temps d'aller a la poste, voir si mon « colis de Noël » est arrivé. A la place on me donne une lettre en vietnamien avec ce que je devine être la liste de ce que contient le paquet et un joli total de 80 euros de frais de douane a payer. Ce montant excédant largement la valeur du colis, je refuse l'arnaque et laisse livres, journaux, chocolat et tabac repartir vers l'expéditeur... Un grand merci a la poste vietnamienne pour cette tentative de racket. Je me venge dans un supermarché et d'ailleurs des le lendemain, je trouve des journaux, des livres et même du tabac et des feuilles. Donc tout n'est pas perdu mais c'est quand même dommage.
Le vieux quartier d'Hanoï est une véritable usine a touriste et moi qui ai l'habitude d'être le seul occidental des environs, je suis ici noyé dans la masse. De cette masse émergent comme par miracle Erwan et Caroline, deux français avec qui j'avais rapidement mais sincèrement sympathisé a Kunming. Ne voyageant pas a vélo, ils ont eu le temps de visiter le Laos entre temps et, désormais accompagnés de leur amie Julie, s'apprêtent a embarquer pour la baie d'Halong le lendemain. Après une après-midi a l'excellent musée ethnographique de la ville, je les rejoins donc pour 2 jours qui vont être tout simplement parfaits.
Arrivés après 4 ou 5 heures de voyage et presque autant de bus, car et bateaux, nous arrivons sur l'ile de Cat Ba ou le hasard nous fait écouter plus qu'un autre un patron d'hôtel qui nous propose exactement la formule que nous cherchions : départ immédiat sur un bateau traditionnel en bois (juste pour nous 4 !), nuit a bord, visites de grottes et kayac le lendemain, puis retour a terre et départ le matin suivant. Le temps de faire quelques courses, nous voilà donc en mer. Nous sommes a peine sortis du port de Cat Ba que nous en prenons déjà plein la vue. Les formations rocheuses caractéristiques de la baie d'Halong défilent devant nous.
Hormis le détroit du Bosphore et la Caspienne, je n'ai pas vu la mer depuis le premier jour du voyage. Nous sommes aujourd'hui le jour 269 ! C'est vous dire si je suis aux anges de me retrouver ainsi en mer. Et qui plus est sur un beau bateau en bois, en excellente compagnie et avec un cuistot qui nous sers trois repas délicieux. La température est un peu fraiche et le ciel évidemment toujours couvert mais il ne pleut pas. La soirée se prolonge jusqu'à tard sur le bateau, apponté pour la nuit a une des fermes piscicoles qui sont nombreuses dans les parages. Assemblages plus ou moins étendus de planches et de polystyrène, avec une cabane abritant une famille en son centre.
Le lendemain, comme prévus nous visitons 2 grottes aux formations calcaires impressionnantes, partons explorer des passages souterrains et des lagons cachés en kayak et nous faisons attaquer par des singes farceurs sur une plage. Plage de laquelle je me permets un petit bain pour rentrer au bateau. Sensation étrange que d'enlever 3 couches de vêtement, dont une polaire, pour se jeter a l'eau. Bref, nous aurions pu passer une semaine a explorer les environs mais il est ensuite temps de renter.
Un petit coin de paradis
Un petit coin de paradis et 4 petits malins bien contents d'y etre !
Le lendemain, les 3 amis partent pour la suite de leur périple vers le sud Vietnam tandis que je remonte a Hanoï (ou, oui, mon vélo m'a sagement attendu, pour la premiere fois que je le laisse ainsi !).
Je ne retrouve pas dans cette auberge la même ambiance que j'ai pu apprécier en Chine. Ici, comme dans toute l'Asie du Sud-Est d'ailleurs, l'essentiel de la population des auberges de jeunesse pour backpackers semble être constituée de jeunes australiens voyageant un mois ou deux, plus ou moins constamment en état d'ébriété. N'ayant toujours pas fait de rencontre, je saute le pas et me joins a une troupe qui part pour un restaurant ou l'on mange du serpent. La soirée est organisée par l'auberge, avec aller et retour en taxi. Je me retrouve donc en plein « tour » conçu et organisé pour des touristes-picoleurs. Nous commençons donc par manipuler une paire de serpents (sans dent), La sensation est vraiment très agréable et ne ressemble a rien d'autre : un peu glissant, froid et pourtant vivant. Nous entrons ensuite dans le restaurant et l'accompagnateur de l'hôtel (un touriste anglais de 24 ans embauché depuis 2 mois pour guider les autres touristes dans les tours organisés par l'auberge...) nous explique comment ca va se passer. Mais bon, comprendre un anglais qui a déjà dépasser sa première bière depuis un moment lorsqu'il s'adresse a 8 australiens du même age (ou plus jeunes) et dans le même état que lui, ce n'est pas toujours simple. Je comprends donc qu'il demande 3 « tueurs » et 3 « mangeurs » pour les 3 serpents qu'on va nous présenter. Je ne suis pas un sanguinaire, par contre je suis venu pour manger du serpent, donc me voilà désigner « mangeur ». La subtilités qui m'avait échappée, c'est que le « mangeur » mange le cœur du serpent encore vivant que le « tueur » s'est contenté d'ouvrir... Une fois arrivé a ce point la, il faut bien assumer. J'ai donc arraché a pleines dents le cœur d'un animal et, contrairement aux conseils de notre superviseur, bien mâché avant d'avaler. Et bien, comme sa viande, le cœur du serpent a un arrière goût de poisson pas désagréable... mais je préfère définitivement la viande cuite... Ont suivi un shooter d'alcool de riz au sang de l'animal, un autre a sa bile (étrangement le meilleur des deux !) et 6 plats différents de viande de serpent ainsi qu'un nombre indéfinissable de shooter « normaux ».
Deux serpent et une australienne en short.
Immortalisé par le film « La plage », boire du sang de serpent est devenu un des passages incontournables du jeune backpacker-teufeur en Asie du Sud-Est. J'ai donc sans trop m'y attendre sacrifié a la tradition. Après un tel départ, le reste de la nuit a été tout aussi agitée bien que plus classique.
Je me repose donc depuis en préparant mon départ : nettoyage, courses diverses. Il me reste bien des merveilles a découvrir au Vietnam et l'ambiance d'Hanoï n'étant pas inoubliable, je ne serai pas fâche de repartir... Demain... ou après demain... ;)