C'est donc avec Magnus, norvégien de 21 ans, que je repars de Kunming en direction des fameuses rizières en terrasses des Hani. Ce peuple est considéré comme l'inventeur de cette technique permettant de cultiver du riz humide sur les pentes des montagnes.
Mais un peu plus de 300 km nous séparent encore de cette région. Et 300 km, pour Magnus, c'est 3 jours. Comme la photo le prouve, il est ridiculement chargé et file comme l'éclair. Le terrain n'est pas trop montagneux, heureusement, donc il ne m'attend pas trop.
Après une sortie de ville classique (comprendre “en travaux”), on se repère tant bien que mal a la boussole pour filer plein sud. Les paysages réservent quand même quelques belles surprises, comme des retenues d'eau parmi les collines, mais après une belle redescende, a la fin de la journée, on peine pour trouver un coin ou planter la tente. Chaque pouce carré de terrain est occupé et on finit a proximité de la route principale, entre un a pic et un bâtiment militaire. D'où sans doute les gens qui sont passés au milieu de la nuit en demandant ce qu'on faisait la, mais qui n'ont pas insisté après mon « wo-meun sheu fago len », ou « nous sommes français » dans mon chinois expérimental.
Bien sur j'ai réparé une crevaison au milieu de la journée, histoire de ne pas perdre les bonnes habitudes...
Rouler avec un nouveau compagnon, c'est a chaque fois découvrir de nouvelles façon de faire. En étant aussi peu chargé, et avec une petite tente cercueil en guise d'abris, Magnus préfère évidemment au camping les petits hôtels, voire le « j'irai dormir chez vous ». On vise donc la prochaine ville moyenne, Jianshui, pour ce trouver un hôtel. Après 10 km a tourner dans le centre pour trouver celui que m'avaient conseillé Éric et Lydie, passés la quelques jours plus tôt, on finit par se prendre le premier qui passe. De toute façon ce n'est que pour une nuit et ils se ressemblent un peu tous.
Nous dinons dans un restau ou toute la cuisine vient nous admirer manger. Il faut dire que Magnus, qui aime manger épicé, a demandé du piment a un cuistot, qui lui amène ce qui se fait probablement de plus fort. Magnus s'étrangle sous les rires de tout le monde, et le regard bienveillant de Mao. D'une table a coté, un chinois viendra lui offrir une cigarette et une bière pour fêter ca !
Après la réparation d'une nouvelle crevaison, devant l'hôtel, nous repartons pour un itinéraire un peu plus montagneux. Magnus me lâche dans la montée (en attrapant un camion, comme il a l'habitude de le faire des que l'occasion se présente). De1250m a 1950m environ. Une fois au sommet, une descente sans fin m'emmène jusqu'à 200m, sur les rives du « fleuve rouge », d'abord a travers les nuages puis avec des vues magnifiques sur les vallées tout autour. Une telle descente m'entraine jusqu'à Yuanyang (Nansha), ou je retrouve Magnus, qui a eu le temps de somnoler en m'attendant. Nouvel hôtel, et nouveau restau, la spécialité du coin : un barbecue en pleine rue. Très sympa. Si Magnus m'apprend a chercher des hôtels le soir, je lui apprends en contre parti a manger dans les gargotes a midi (et du coup le soir aussi), alors qu'il se contentais habituellement de nouilles instantanées 3 fois par jour. L'occasion de varier son régime, et de faire de sympathiques découvertes culinaires ! La propriétaire d'un petit restau refuse même que l'on paye, sans que l'on réussisse a comprendre pourquoi.
Avec tout ca, on a fait 297 km en 3 jours. Il nous reste en 30 pour remonter a Yuanyang (Xinjie), situé a 1700m d'altitude, sur le versant opposé. Vers 1000m, on rentre dans la brume (ou les nuages, comme vous voulez), pour ne plus la quitter. L'arrivée dans la ville se fait avec 20m de visibilité. C'est le jeu. A mettre de l'eau partout dans les champs, il faut bien que ca fasse de la brume. L'endroit a beau être un des incontournables du tourisme au Yunnan, il faut avoir de la chance avec la météo pour en profiter pleinement.
Le lendemain est consacré au repos. On visite la ville et, en milieu de journée, le soleil se montre enfin. Retenez bien cette date, c'est la dernière fois que je l'ai vu ! On profite donc de quelques belles vues depuis cette ville accrochée a sa montagne.
Mais le lendemain, en repartant, le temps de de nouveau brumeux pour ne pas dire pluvieux tellement l'humidité est lourde dans l'air. La veille, j'apprends grâce a internet que ma mère venait de se casser une jambe sur les trottoirs de Nantes, et ce matin, mon inconscient, par désir de solidarité avec elle sans doute, m'offre une chute spectaculaire dans les escaliers de l'auberge. Des jurons, de la douleur, un souverain mépris pour ces gens qui construisent des escaliers extérieurs en carrelage dans une région humide en permanence... mais rien de cassé ! Le privilège de la jeunesse sans doute, et un petit paquet de chance.
Magnus et son compagnon, qui nous a rejoints hier, partent devant, non seulement parce que ca monte encore mais aussi parce qu'ils doivent quitter la Chine pour le Laos avant le 14 janvier, et autant vous dire que ca va être sportif. Un dernier adieu, un échange d'adresses email et ils attrapent chacun un camion. Me revoilà seul sur la route.
Après un col boueux, ca redescend à 600m. Je quitte la route principale a cet endroit pour piquer a l'est, puis au Nord, pour retrouver les berges du fleuve rouge qui file vers le Vietnam. Eric et Lydie m'ont conseillé d'éviter de longer ce fleuve car un énième barrage est en construction et la route est a la limite du praticable sur 60 km. Je me lance donc dans une belle boucle. Si la route est correcte, la météo par contre a décidé que je n'avais pas vu de pluie depuis longtemps. Il se mets donc a pleuvoir. Un peu ce jour, puis en continue a partir du lendemain matin, pendant presque 3 jours, c'est a dire jusqu'à ce que je sorte des nuages en descendant définitivement de la montagne pour retrouver le fleuve et son altitude ridicule.
De ces 3 jours, je ne verrai pas grand chose du paysage, pourtant superbe, vues les montées qui s'enchainent. Je vois des bananiers par milliers, mais pas ou peu de vues spectaculaires. Il faut bien avancer, donc je pédale. Les deux évènements marquant vont être le décès de mon matelas gonflable (un term-a-rest, une marque qui fait pourtant l'unanimité pour sa qualité) et une nuit sous un préau, avec l'incontournable visite des enfants du coin. Les visages font de plus en plus typés et annonce l'Asie des tropiques. Les costumes traditionnels sont d'une grande diversité et souvent colorés.
Je ressors donc de ces montagnes tout crotté et un peu déçu. J'ai monté a trois reprises plus de 1000m de dénivelé dans une des régions les plus belles de Chine et je n'ai presque rien vu... On ne peut pas prévoir ces choses la et de temps en temps, il faut accepter les coup du sort.
Voilà la meilleure photo que j'ai réussie a prendre :
Je vous propose quand même de vous rattraper, comme moi, en allant faire un tour sur ce lien :
C'est pas mal, mon ?
Après cet épisode, il ne me reste plus qu'a avancer tranquillement vers la frontière. Je me fais 2 matinées de mécanique. Deux crevaisons, bien entendu, plus nettoyage, graissage, changement des patins de freins arrières et qui se sont usés entièrement en 7 jours seulement. Au moins, je ne pourrais pas les soupçonner d'avoir creuser mes jantes ceux-la... Mon dérailleur arrière est de nouveau difficile a régler. La dernière fois que cela est arrivé (Kirghizistan), le câble avait fini par céder, donc cette fois-ci je prends les devants et le change, ainsi que la gaine, que j'avais justement du découpée lors de la précédente réparation. Le câble n'était pas près (ou prêt?) de céder mais par contre il était tout rouillé donc je change tout ca (oui, j'avais une gaine de rechange dans mes sacoches depuis Urumqi) et la, miracle, je découvre des changements de vitesses d'une douceur incroyable. Tout roule bien... jusqu'à la prochaine avarie !
Mon visa vietnamien commence le 14 janvier (que j'entre dans le pays ce jour la ou pas d'ailleurs !). J'y arrive donc ce jour, dans l'après-midi. Et le reste appartient a un autre pays, donc un autre message !
Je quitte la Chine sans trop y penser car j'y reviens dans quelques mois, mais une chose est sure, j'ai énormément apprécié ce pays, avec ses qualités et ses défauts.
En parlant de ca. Quelqu'un me disait que le pays avait l'air propre sur mes photos. Voici donc un aperçu d'une rivière qui traverse une petite ville. Vision tout ce qu'il y a de plus normale, malheureusement.
Je vous laisse pour aujourd'hui, mais la suite viendra très vite !
Merci pour vos nombreux messages. C'est toujours un plaisir.
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Bon je peux pas finir sur la photo precedente quand meme...