Salut a tous.
Je suis arrivé en Chine !
Mais faisons les choses dans l'ordre. Je vous avais laissés a Bishkek.
Je suis donc repassé au Kazakhstan, par la même frontière que j'avais traversée pour venir. Sur les 30 jours de mon visa Kirghize, je suis resté ... 30 jours. Ce qui devrait vous permettre de mesurer a quel point j'ai aimé faire ce détour sur ma route vers l'Asie.
En retournant au Kazakhstan, je laisse derrière moi les montagnes et retrouvé une steppe plus monotone et des chauffeurs qui me klaxonnent dans les oreilles. La transition se faisant progressivement, j'ai quand même un petit col a monter (de 700 a 1200m) et une superbe descente qui me permet d'établir un nouveau record de vitesse : 79,72 km/h.
Je rencontre Chris et Kevin, américain et canadien, en route pour faire la légendaire route des Pamirs... en hiver. Alors que moi je fuis lâchement les cols enneigés en prenant la route du Nord. Leur site : fiveelementsexpedition.blogspot.com
Le soir même, je sors de la route par un petit chemin pour chercher un coin ou bivouaquer. Mais le problème des petits chemins, c'est qu'ils mènent toujours quelque-part, et je me retrouve a passer devant une ferme ou un vieux titubant me gémit dessus pour que je m'arrête. Je lui fais signe que je continue tout droit et part en ignorant ses protestations pour aller camper un peu plus loin, pas tout a fait rassuré sur la tranquillité des lieux. Le lendemain, je suis bien obligé de repasser par la pour retourner sur la route. J'ai a peine dépassé la ferme que le type de la veille descend des collines au galop pour venir s'excuser de m'avoir fait peur hier, me proposer le thé etc. Comme quoi.
Toute la journée, j'hésite entre foncer vers Almaty, retirer de l'argent et sortir de la ville pour aller camper plus loin ou prendre mon temps et réserver la traversée de la ville pour demain. Ça roule bien. Je change trois fois d'avis en cours de route mais la pluie me décide a bifurquer avant l'agglomération. Je fais quelques courses et surtout de je quémande de l'eau devant un magasin dont le patron veut absolument me refiler un sac de nourriture et de boisson qui doit peser pas loin de 10 kg. Je prends tout ce que je peux, pour lui faire plaisir, mais je ne peux pas tout charger (il y a des bonbons, de la viande cuite, des fruits, 2 gros pains...). Après cet épisode cocasse, trouver un endroit sans habitation aussi près de la ville se révèle un peu difficile. Heureusement, il y a la décharge ! Un terrain vague qui se transforme en usine désaffectée ou des poubelles sont déversées partout et dispersées par les chiens errants. En m'enfonçant dans ce petit coin de paradis, je réussis a trouver un chemin coincé entre l'ancienne enceinte et un talus, a l'abri des immondices, et des regards. A part l'usine du coin qui malheureusement fonctionnera toute la nuit, l'endroit n'est pas si mal.
Les environs d'Almaty, hors des sentiers battus...
Le lendemain, j'ai 10 km a faire dans la circulation et le brouillard humide de pollution qu'elle engendre pour rentrer dans la ville et trouver un distributeur de billet. Après avoir laissé passer le gros de l'orage, je repars pour une session de freeride dans une jungle urbaine et sous la pluie. Je suis a fond, motivé par le sale temps, les marres de boue, les nids de poules a éviter, la circulation chaotique et le regard ahuri des passants me voyant. Je prends même du plaisir a cette conduite un peu technique.
Après être sorti de la ville, je prends une bifurcation pour revenir sur une route plus basse et plus plate. J'ai beau vérifier 2 fois en demandant l'avis de passants, on m'envoie dans un cul-de-sac boueux. Petit village auquel ne mène qu'une seule route de 5 km, en pente évidemment... Tous les chemins ne mènent donc pas a Rome !
Le soir, j'essuie un gros orage, une fois la tente montée heureusement. La pluie ne cessera pas de la nuit et de la journée du lendemain. Mais avec un bon vent dans le dos, j'avance bien et ce n'est que lorsque je m'arrête a une fontaine d'eau qu'Eric et Lydie, qui roulent sur la même route que moi, me rattrapent. Couple de franco-suisse roulant depuis 7 mois et 9000 km, ils ont le même itinéraire que moi vers la Chine puis le Vietnam. On repart donc ensemble. Forcement, entre cyclo, on a plein de choses a se dire. Le camping de ce soir se fait toujours sous la pluie mais grâce a notre (car nous avons exactement la même) super tente dont la chambre se décroche, nous dinons ensemble et au sec.
Le moral est toujours la malgré la pluie.
Au matin, il neigeote plus qu'il ne pleut, car la température est bien descendue. On s'élance pour une belle ligne droite de 100 km a travers une steppe sans village, donc sans ravitaillement. Le vent est toujours dans le dos et heureusement car le revêtement disparaît au bout de quelques km pour laisser la place a une piste caillouteuse et souvent en tôle ondulée qui nous secoue toute la journée.
Je me fais avoir comme un bleu par une flaque d'eau marron dans laquelle je pense rouler sans souci et qui se retrouve être un gouffre dans lequel je plante ma roue avant. Miraculeusement (encore un bon point pour les roues ultra solides montées par Rando-cycle), la roue ne se voile pas. Par contre, la fourche est déserrée et donc un peu désaxée, mais rien de gênant pour le moment. A part une pause pour changer un maillon de chaine cassée dans une montée un peu rude, l'essentiel de la journée est passé sur le vélo. Malgré les 95 km au compteur, on ne sera pas arrivé au village suivant, mais on aura tout de même trouvé un coin a l'abri du vent, plat et sans caillou pour la nuit. Et vu le paysage de la journée, c'est un exploit.
Le lendemain, on peut enfin faire quelques courses, mais la région est tellement désolée que l'on renonce a trouver un petit restau pour se contenter d'un pique-nique sur le perron d'une maison abandonnée. Je fais encore une fois a mes nouveaux compagnons de route le coup de la panne, avec une crevaison cette fois.
Mais tout cela ne m'empêche pas d'arriver fièrement a mon 10 000e km !
Le soir, Lydie, qui porte 1 kg de farine depuis trop longtemps, est prise d'une envie de faire des crêpes. C'est une première tentative pour nous trois et on met un peu de temps a prendre la technique mais une fois la poêle bien chaude, ça dépote ! On passe la soirée dehors, malgré les températures polaires, et on rigole bien. Ce petit goût de « Home, sweet home », alliée au sentiment que la Chine est toute proche, crée un véritable effet euphorisant.
**** ***MERCI POUR LES CREPES !!*** ****
Le lendemain, on arrive a la dernière ville avant la frontière, Jarkent, que l'on parcourt dans le désordre pour faire des courses, aller au bazar, au cyber puis manger un bol de laghman. On apprend de toute façon que la frontière est fermée le dimanche donc on se pose pour la nuit a distance raisonnable de cette zone tampon bien surveillée, avec des montagnes blanches pour paysage.
Le levée de lune ce soir-la est splendide, son disque rouge-orangé se découpant progressivement sur les sommets. Mais la nuit sera glacée. 0 degré sous la tente et toile gelé au matin. La seule consolation est que pour une fois j'ai quelqu'un a qui lancer une boule de givre au réveil...
Un peu de pub pour les tentes Vaude...
Le temps de sécher tout ça, de plier et de franchir les 5 checks-points de l'armée kazakhe, nous arrivons après 11h a la frontière proprement dite, qui bien sur est fermée entre 11h et 13h30... On patiente donc dans le bâtiment (fermé a clef des 2 cotés d'ailleurs). Le temps de faire un peu de couture et de prendre une petite leçon de chinois dans le guide de conversation que je trimbale depuis Nantes et que j'ai déjà pas mal parcouru.
Bref, je me présente en premier a un des gardes chargés de tamponner le passeport. Il tique sur quelque-chose, demande un chef. En attendant Eric et Lydie sont passés et chargent leurs vélos dans les mini-bus qui sont les seuls véhicules autorisés a rouler d'un territoire a l'autre.
Pendant ce temps, mon tamponneur m'explique par quidam anglophone interposé que la date de la « registration » que j'ai faite a Aktau est dépassée. Il veut que je retourne me faire enregistrer a Jarkent. Je refuse, discute, patiente encore jusqu'à ce qu'une chef parlant anglais vienne et m'explique qu'elle ne peut rien y faire car « c'est la loi ». Totalement démuni face a ce genre d'argument « coup de poing » et voyant l'heure qui tourne, je me résigne et repars en sens inverse. Il est 14h45, Jarkent est a 35 km, mais en faux-plat descendant. Je repasse les checks-points en sens inverse en baragouinant un « registration problem, Jarkent » puis je mange une barre chocolatée, passe sur le grand plateau et c'est parti. A 16h je suis devant la police de l'immigration. Première victoire.
Mais je déchante vite. Depuis le parloir, le soldat me dit qu'on ne fait pas de « registration » a Jarkent, il me faut aller a Almaty... Je commence par rigoler, expliquant que je suis a vélo, puis par ne plus rigoler du tout quand il me dit de prendre un taxi. Il appelle son chef. Un modèle de gratte-papier militaire a une étoile et autant de neurone fonctionnel. Il prend mon passeport, l'épluche pendant 10 minutes puis me dit la même chose. Il faut aller a Almaty. Je proteste, c'est juste un tampon sur un bout de papier qu'il me faut. Rien a faire. Je quitte ce guichet pour rentrer dans le bâtiment a coté, espérant plus de chance a un autre endroit. A l'accueil, on me fait patienter puis finalement on m'amène au même endroit, voir le même petit chef de l'immigration, mais cette fois-ci je suis a l'intérieur de la pièce, pas au parloir. Je tente de lui demander une lettre de sa part qui prouve au moins aux soldats de la frontière que j'ai été jusqu'à Jarkent et qu'on a refusé de m'enregistrer, espérant attendrir la chef qui m'a envoyé ici. Mais il ne parle pas plus anglais que moi russe ou kazakh (voire encore moins). Le temps passe et devant mon obstination, il passe un coup de fil auquel je comprend « franssous » et « velociped ». Il raccroche et me demande des photocopies du passeport et du visa. J'ai ça sur moi (il sait pas a qui il a a faire ce petit monsieur ! ). Il me demande aussi des photocopies de mes deux bons de « registration » que j'ai eu a chacune de mes entrées sur le territoire. Me voici donc courant (c'est l'adrénaline) dans les rues a la recherche d'une reprographie, qui heureusement n'est pas trop loin. Je préviens le patron que je n'ai plus un tengue kazakh et que je n'ai que des dollars pour payer. Il me fait cadeau des 2 copies. De retour auprès de mon cheffaillon, j'assiste au remplissage laborieux de 3 formulaires, signe un peu partout, donne mon adresse, ma profession (sic!), ma situation maritale et autres sortes d'informations vitales pour la sécurité du pays. Je l'accompagne a travers les bureaux pour qu'il fasse signer tout ça par un autre chef a une étoile, puis il me renvoie faire 4 photocopies (je vous jure, il faut une bonne dose d'humilité et de patiente avec la bureaucratie d'ex-URSS!). Et finalement, quand je reviens, il écrit des dates sur mon bon de « registration », cherche dans un tiroir et … et … il ne trouve pas le tampon. Pendant que moi je cherche la caméra cachée, il retourne son bureau, va voir dans le coffre-fort, et fini par demander a son second qui heureusement passait par le parloir voir pourquoi son chef travaillait toujours a 18h passées. « Le tampon est dans le tiroir du dessous » semble-t-il lui dire car il met finalement la main dessus et … tamponne généreusement ma « registration » puis me rend tout ça après avoir pris le temps de mettre également un coup de tampon « non autorisé a travaillé » au cas ou j'aurai envie de chercher du travail entre ici et la frontière...
Je sors de la content de ne pas avoir a retourner a Almaty mais un peu ahuri par toute l'aventure. Il est 18h30, il fait nuit, je suis en pleine ville et un épais brouillard rend la perspective de reprendre la route encore plus alléchante. Je repars néanmoins avec phare a l'avant et frontale pour l'arrière, puisque ma lumière arrière ne semble pas fonctionner. Je sors de la ville, tourne au premier carrefour et plante la tente dans un champs au bord de la route.
Ce soir-la, c'est service minimum. Je ne déploie pas la bâche, ne me lave pas, ne me change pas. Je prends le temps de manger mon seul vrai repas de la journée, de fumer une cigarette et je rentre dans mon duvet. J'ai les mêmes 35 km a faire demain mais cette fois-ci en montée. Et tant qu'a faire, si je veux avoir une chance de rattraper Eric et Lydie, il faut arriver a passer avant la pause déjeuné.
Levé a 6h15, je plie la tente encore givrée et commence a rouler a 7h30, pour arriver au dernier bureau de la frontière a 10h15. J'ai fait de nombreuse petites pauses étirements car pédaler en forçant, ce n'est vraiment pas la même chose que pédaler sur la durée et j'ai encore dans les pattes la course d'hier.
Cette fois-ci, tout se passe bien, je mets le vélo dans un mini-bus et en route vers la Chine !
La suite, bientôt !
Bises depuis Urumqi